L’Association du notariat francophone (ANF) était partenaire du Land of African Business (LAB) qui s’est tenu, du 2 au 11 décembre, à l’Hôtel de l’industrie à Paris, en marge de la COP21. L’ANF était coorganisatrice de la journée du 11 autour du thème : « De la sécurité juridique à la responsabilité sociale ».
Deux grands témoins, Patrizianna Sparacino-Thiellay, ambassadrice de France pour les droits de l’Homme (France), et Laurent Bossard, directeur du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest à l’OCDE ont ouvert les travaux. Les échanges se sont poursuivis avec la tenue de deux tables rondes.
L’eau, enjeu de développement
La première a porté sur « L’eau, nouvelle guerre économique de l’Afrique? » avec le témoignage d’ouverture de Serge Lepeltier, président de l’Académie de l’eau et ancien ministre français de l’Ecologie et du Développement durable, et la participation de Mamadou Dia, président exécutif d’AquaFed (Sénégal), Saran Kaba Jones, présidente de Face Africa (Liberia), Nathalie Andrier, présidente de la commission pour les Droits humains (Union Internationale du Notariat), et José Del Castillo, directeur Afrique chez Suez environnement.
Sans état civil, pas de droit
La seconde table ronde intitulée « De l’état civil à l’État de droit » a eu pour grand témoin Laurence Dumont, vice-présidente de l’Assemblée nationale, et pour participants : Christophe Guilhou, directeur de la Paix, de la Sécurité et des Droits de l’Homme, Organisation internationale de la Francophonie, Tidiane Seck, chargé des questions numériques, Performances Management Consulting (Sénégal), Adama Sawadogo, fondateur, ICivil (Burkina Faso) et Laurent Dejoie, président de l’ANF et coauteur avec Aboulaye Harissou de l’ouvrage « Les enfants fantômes ».
La conférence s’est conclut par les interventions de Dior Fall Sow, magistrate sénégalaise, membre de la Commission sénégalaise des droits de l’Homme, et de Laurent Dejoie.
Ils ont dit :
- Peut-il être question de développement sans droits fondamentaux et droit à l’identité ? Quand on parle de droits de l’Homme, on parle aussi de la violation des droits. Il est ici question de la violation des droits de l’enfant. Les enfants sans identité sont des enfants sans droit. Parce qu’ils n’ont pas d’identité, ils sont exposés à de graves menaces : exploitation sexuelle, mariages précoces, enrôlement dans les forces armées.
Patrizianna SPARACINO-THIELLAY, Ambassadrice de France pour les droits de l’Homme (France)
- Le droit à l’eau et à l’alimentation est un droit comme les autres.
- Depuis le début du conflit au Mali, il y a trois ans, des dizaines de milliers d’enfants naissent sans être déclarés et, de ce fait, n’existent pas. Nous allons nous retrouver avec la mention : né vers…
Laurent Brossard, directeur du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest à l’OCDE
- L’Afrique dispose d’un potentiel hydraulique considérable qui reste à mettre en valeur pour faire face au développement de la population et aux enjeux économiques. Mais l’Afrique subit aussi les conséquences du réchauffement climatique : inondation, sécheresse, désertification. Il y a une urgence à mettre en place des infrastructures, un écosystème et à trouver les modes de financement, ce qui reste problématique. C’est un défi immense et l’affaire de tous.
Serge LEPELTIER, président de l’Académie de l’Eau, ancien ministre de l’Ecologie et du Développement durable (France)
- L’accès à l’eau et l’accès à la propriété sont des sujets importants pour nous. L’accès à la propriété, c’est aussi la défense des droits humains. Quand une personne est expropriée de sa terre, elle perd tout. Le notariat travaille sur cette question de la terre, liée aussi au problème de l’eau.
Nathalie ANDRIER, présidente de la commission pour les Droits humains (Union Internationale du Notariat)
- Le temps que les femmes passent à aller s’approvisionner en eau, est un temps qu’elles ne passent pas à l’éducation ou à la santé de leurs enfants.
- Les conflits autour de la ressource en eau ont une capacité à créer des conflits.
Pascale GUIFFANT, directeur Projets et Réputation chez Suez Environnement
- Le frein principal à l’accès à l’eau est le manque d’infrastructures pour arriver à accéder aux communautés. Il y a un manque de ressources et de financements : le gouvernement du Liberia ne dépense que 4 % de son budget à ces questions de l’eau.
- Il n’y a pas besoin de plus d’aide internationale. Depuis 10 ans, il y a déjà eu d’énormes investissements de la part des ONG. Il faut désormais plus d’implication des gouvernements, plus de transparence, plus de management. Il faut que cela soient les gouvernements qui mettent ces questions à l’agenda et non pas les ONG.
Saran Kaba JONES, présidente fondatrice de FACE Africa (Liberia)
- En découvrant le livre «Les enfants fantômes » et un article d’Amnesty International sur le sujet, j’ai découvert que 230 millions d’enfants dans le monde sont sans état civil. Ce qui me frappe, c’est l’ampleur des conséquences sur ces enfants : prostitution, exploitation, enfants soldat… Je suis là comme témoin, je sais que des solutions sont possibles et tant que je pourrai être utile à ce combat, je le mènerai.
Laurence Dumont, vice-présidente de l’Assemblée nationale (France)
- Un État dans lequel l’état civil est déficient, n’est pas un état de droit complet. Quelles politiques publiques peut-on envisager si on ne connaît pas le nombre exact de sa population ? L’état civil donne aussi le droit de voter or cela n’arrange pas toujours les politiques d’avoir des électeurs.
- Le téléphone portable est un instrument extrêmement puissant. En Afrique, nous avons les moyens de déclarer les naissances à distance. Le taux de pénétration du téléphone portable est à plus de 100 % dans de nombreux pays. On peut aller dans tous les recoins des pays, dans un rayon de 20km, on trouve toujours un réseau.
Tidiane SECK, chargé des questions numériques auprès de Performances Management Consulting (Sénégal)
- J’ai eu la chance de pouvoir voter dans ma vie. Mais j’ai découvert il n’y a pas longtemps que, dans un village, des jeunes qui voulaient voter n’ont pas pu s’inscrire car ils n’avaient pas d’acte de naissance. Ils en on fait une demande rétroactive. Mais avec les délais, sur les 2 000 jeunes qui voulaient voter, seulement 76 ont pu le faire. Sans acte de naissance on ne peut pas être électeur. Du coup, en Afrique, on se retrouve avec des élections avec peu de votants.
Adama Sawadogo, fondateur d’ICivil (Burkina Faso)
- L’enfant qui n’a pas d’état civil n’existe pas.
- Il y a un lien très fort entre l’État et l’état civil. L’état civil est né en France au Moyen Age. Il s’est construit lentement, cela a mis 500 ans. Aujourd’hui, notre état civil s’adapte aux nouvelles technologies. Et nous demandons à un continent entier de passer de zéro état civil à un état civil basé sur l’évolution technologique ?
Laurent DEJOIE, président, Association du notariat francophone – ANF (France)
- La Francophonie intervient pour des vies politiques apaisées et pour des élections justes. Dans beaucoup de pays africains, les fichiers électoraux sont refaits à chaque élection. Ils ne sont pas fondés sur l’état civil, ce qui est sources d’efforts et de dépenses. Cela pose un problème politique aussi : au Togo 3/4 des inscrits sur les listes électorales le sont sur témoignages. Et quand on parle de fraudes électorales, nous nous fondons sur cet état de fait. On renforce nos actions pour que les politiques prennent le sujet à bras le corps.
Christophe GUILHOU, Directeur de la paix, de la sécurité et des droits de l’Homme, Organisation internationale de la Francophonie – OIF (France)
- Pour l’Afrique, il y a aujourd’hui trois enjeux : un enjeu de gouvernance, un enjeu économique, un enjeu géostratégique. Il faudrait que l’Afrique comme l’Europe ou comme les États-Unis parle d’une même voix, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
- Il n’y aura ni paix, ni sécurité, ni développement durable en Afrique s’il n’y a pas de respect des droits de l’Homme et d’amélioration de l’état de droit.
Dior Fall Sow, magistrate sénégalaise, membre de l’Alliance pour les migrations, le leadership et le développement, membre de la Commission sénégalaise des droits de l’Homme (Sénégal)
- Il y a des actions d’état indispensables pour fixer le cadre et beaucoup de solutions publiques ou privées pour y arriver. C’est au peuple de chaque pays de s’exprimer.
Laurent DEJOIE, président de l’Association du notariat francophone – ANF (France)
Crédit photos : ©Jacques Bravo