Pouvez-vous expliquer le cadre de votre intervention ?
En 2014, l’association Henri Capitant sous la conduite des professeurs des Universités Cyril Grimaldi et Marie Goré ont approché le Conseil Supérieur du Notariat et l’Association du notariat francophone afin de lui proposer un partenariat dans le cadre d’un projet de Diplôme Inter-Universitaire de droit OHADA, (DIU OHADA), le droit unifié africain des affaires initiées par les Chefs d’État africain avec l’appui du Gouvernement Français. Cette formation de niveau Master 2 aurait lieu au sein des facultés de droit des universités de Paris 2 et Paris 13.
L’ANF nous a proposé d’intervenir pour assurer au nom de l’Afrique et de l’ANF, au cours de droit des sociétés et à Me Régine Dooh Collins du Cameroun au cours de droit des sûretés. Ainsi, j’’assure depuis une dizaine d’années cet enseignement aux universités de Paris II et XIII en sus des enseignements que je dispense depuis une trentaine d’années dans les universités du Mali et de l’École Régionale Supérieure de la magistrature (ERSUMA), l’institution de l’OHADA qui forme les Magistrats et les professionnels du droit.
Qu’est-ce que l’OHADA et quelles sont les principales caractéristiques du droit OHADA ?
L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) est une structure inter-états d’intégration juridique et judiciaire qui n’a pas son équivalent ailleurs dans le monde.
Auparavant, l’investisseur national ou étranger ne savait jamais à l’avance avec certitude quel était le droit applicable à ses transactions, ni à la structure juridique de son entreprise ou même la juridiction qui se reconnaitra compétente pour trancher ses litiges éventuels. Cette incertitude est agrandie lorsque l’investisseur veut s’installer dans un pays voisin même s’il est ressortissant de l’espace francophone parce qu’après les indépendances des années 1960, les États africains n’ont pas eu la même évolution législative, règlementaire et judiciaire.
Cette situation a été perçue, comme un frein au développement de l’investissement et donc des affaires. Une décision historique sans égal dans l’histoire de notre monnaie commune en Zone Franc a amené ces États à lancer une importante réforme d’harmonisation du droit des Affaires en 1993.
Comment l’OHADA est née ?
L’OHADA est née donc de la volonté des États africains francophones de moderniser et d’optimiser la législation applicable aux activités économiques. L’OHADA est la réponse au besoin de facilitation des échanges et des investissements, la garantie de la sécurité juridique et judiciaire des activités des entreprises. Le droit issu de l’OHADA est ainsi utilisé pour propulser le développement économique et Harmoniser et moderniser le droit des affaires en Afrique afin de garantir, dans les États-membres, la sécurité juridique et judiciaire pour les investisseurs et les entreprises.
L’OHADA a été créée par le Traité de Port-Louis du 17 octobre 1993 (révisé le 17 octobre 2008 à Québec – Canada).
Elle regroupe aujourd’hui 17 États : le Bénin, le Burkina-Faso, le Cameroun, les Comores, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinée Équatoriale, le Mali, le Niger, la République Centrafricaine, la République Démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Le Burundi est en discussion, tout comme Madagascar, le Maroc, le Ghana et le Rwanda qui sont intéressés.
L’OHADA compte à son actif dix Actes uniformes déjà entrés en vigueur dans les États-membres.
Le système juridique et judiciaire de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) est l’une des expériences d’intégration juridique les plus réussies de la fin du 20ème siècle.
Quelles sont les principales caractéristiques du droit OHADA ?
L’OHADA est un droit des affaires qui a trois attributs :
– il est uniforme parce que la législation est rédigée en des termes identiques pour tous les États Parties et s’y applique directement sans qu’il y ait besoin de formalités particulières,
– il est moderne parce qu’il est inspiré des meilleurs textes et pratiques au niveau international qui relèvent du droit des affaires,
– il est vivant parce que depuis l’adoption des premiers actes en 1997, plusieurs réformes et révisions sont déjà intervenues dans les actes uniformes
L’harmonisation laisse peu de place pour la diversité dans de tels Actes. La technique apparait radicale, mais elle présente l’avantage d’éviter les distorsions entre les lois nationales issues de la même norme et entre les textes réglementaires nationaux d’application d’une même norme internationale de portée générale. Le contenu des Actes Uniformes est strictement le même pour tous les pays membres. Le Droit OHADA découle principalement des Actes uniformes pris par le Conseil des Ministres dans dix différentes matières.
Quel est l’objectif de l’Acte uniforme OHADA en matière de droit des sociétés et les enjeux liés ?
L’Acte uniforme du 30 janvier 2014 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, qui se substitue au texte initial du 17 avril 1997, introduit de nombreuses innovations dans la constitution et la vie des sociétés commerciales dans l’espace géographique de l’OHADA.
Ses objectifs sont principalement le développement économique, la liberté contractuelle et la bonne gouvernance des entreprises.
L’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du Groupement d’intérêt économique se présente en deux parties.
1 – Les Règles communes à toutes les sociétés.
La première partie énonce des dispositions générales communes à toutes les formes de sociétés commerciales : règles de constitution et de fonctionnement, responsabilité des dirigeants, liens de droit entre sociétés… Outre les importantes clarifications apportées, le nouvel Acte Uniforme relatif au droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’intérêt économique (GIE) consacre les conventions extrastatutaires devenues d’usage courant dans la vie des affaires par la reconnaissance des pactes d’actionnaires.
Ces conventions extrastatutaires entre associés visent notamment à organiser : les relations entre associés, la composition des organes sociaux, la conduite des affaires de la société, l’accès au capital social ou la transmission des titres sociaux.
2 – Les Règles spécifiques aux sociétés commerciales.
La deuxième partie de l’Acte Uniforme règlemente les diverses formes de sociétés commerciales, reconnaissant les modes d’administration avec conseil et sans c’est-à-dire avec administrateur général.
La réforme a procédé à la transformation de règles impératives en règles supplétives (règles de constitution de la société commerciale, composition du conseil d’administration, cumul de mandats dans un groupe de sociétés …). Le nouveau texte introduit également d’importantes dispositions de droit boursier, de même qu’il améliore le traitement des conventions réglementées afin de renforcer la transparence et le contrôle, mais aussi d’améliorer la gouvernance des sociétés.
3 – Les Règles relatives aux infractions
La troisième partie édicte, enfin, des incriminations relatives à la constitution, à la vie, à la dissolution et à la liquidation des sociétés commerciales, étant précisé que les sanctions afférentes aux infractions ainsi prévues doivent être précisées par la loi nationale de chaque État-membre. Il y a encore du retard pour l’adoption de ces textes dans la plupart des États membres.
Quelles sont les plus-values pour le notariat au sein de cet espace ?
Dans cette construction, le notariat africain s’est battu avec succès pour conserver le recours obligatoire à l’acte notarié en matière de sociétés et à la constitution des sûretés immobilières à la différence notable du notariat français qui a perdu cette compétence en matière de sociétés. Il faut saluer et reconnaître le soutien décisif apporté par le notariat français qui a permis au notariat francophone africain de conserver un rôle central dans ces deux matières.
Par conséquent la plus-value qu’apporte l’acte authentique bénéficie à tous les acteurs économiques faisant recours à la création d’entreprises, ainsi que l’accompagnement de leur développement.
Le notariat reste ainsi dans son rôle d’apport d’une sécurité juridique adossée à l’authenticité pour toutes les transactions des acteurs économiques de la région Afrique francophone.
Cette intégration juridique sans exemple dans le monde est appréciée par les investisseurs de tous les continents. Ceux-ci ne se posent plus la question de savoir quel est le droit applicable dans les États OHADA : il est identique dans les pays concernés.